Fusion-acquisition : Le délicat équilibre entre efficacité et cohésion sociale
- amahy82
- 28 janv.
- 4 min de lecture
Les fusions et acquisitions, en tant qu'événements organisationnels majeurs, engendrent une série de bouleversements internes qui, s'ils ne sont pas bien gérés, peuvent mettre en péril la productivité, la loyauté des employés, et la performance globale de l'entreprise. C'est une période où les défis organisationnels se multiplient, et les dirigeants se trouvent face à une tâche complexe : maintenir un équilibre entre la recherche de performance économique et la préservation de la cohésion sociale au sein de l'entreprise.
Diminution de la productivité : un effet domino dangereux
L'un des premiers signes de tension dans une fusion ou acquisition est une baisse significative de la productivité. Le travail, qui devient souvent plus superficiel, perd en qualité et en rigueur. Les clients, parfois négligés par des employés démotivés ou inquiets de leur futur, en ressentent les conséquences. Cette chute de la productivité, souvent sous-estimée, est au cœur des préoccupations des dirigeants. Pourquoi cette perte d’efficacité ? La réponse réside dans un facteur fondamental : la confiance.
La confiance est une composante essentielle pour tout changement organisationnel. En période de fusion, la résistance au changement se cristallise lorsque les collaborateurs manquent de confiance envers leurs dirigeants. Il devient alors plus difficile d’adhérer à un projet, surtout lorsque les employés ne se sentent pas impliqués, ne perçoivent pas de sens dans le processus ou, pire encore, se sentent laissés pour compte. Ce manque de sentiment d'appartenance peut être un facteur décisif dans la dégradation de la productivité (Aslanoff & Olivero, 2013).
Efficience économique vs cohésion sociale : un équilibre fragile
La dialectique entre efficience économique et cohésion sociale est au cœur de cette problématique. Les fusions et acquisitions visent, bien entendu, à exploiter les complémentarités de ressources, de marchés et de savoir-faire. Mais cette logique économique doit s’accompagner d’une gestion soignée des relations humaines et de la distribution du pouvoir au sein de la nouvelle entité. La question fondamentale devient alors : comment concilier la quête de performance avec la préservation de la cohésion sociale au sein des équipes ?
Les relations entre les partenaires issus de la fusion sont souvent fondées sur des principes d'équité. Une coopération fructueuse suppose que chaque partie percevra une rétribution proportionnelle à sa contribution, que ce soit en termes de savoir-faire, de ressources humaines ou de capital. Lorsque cette équité est respectée, la productivité et la performance économique suivent naturellement. L’inverse peut entraîner des tensions internes et nuire à la coopération (Aslanoff & Olivero, 2013).
Les stratégies de justice distributive : des leviers pour maintenir l’équilibre

Dans cette optique, plusieurs politiques de justice distributive peuvent être mises en place pour éviter les dérives. La compétition entre les équipes issues des différentes branches peut être un moyen de faire émerger les meilleurs talents et d’encourager une dynamique de performance. Toutefois, cette méthode, si elle est mal comprise, peut provoquer des tensions et nuire à la cohésion entre les équipes.
L’évaluation des compétences individuelles par des tiers, souvent réalisée par des consultants externes, est une autre option. Bien que cette méthode permette d’objectiver la sélection des talents, elle nécessite une gestion prudente. En effet, la déconnexion entre les équipes internes et les entités externes peut créer des frustrations et un sentiment de dévalorisation chez certains collaborateurs.
Enfin, le recrutement interne, de plus en plus populaire, permet aux responsables de démontrer leur valeur et de sécuriser leur place dans la nouvelle structure. Mais là encore, il faut veiller à ce que ce processus ne devienne pas une source de divisions ou de rancœurs entre les collaborateurs (Aslanoff & Olivero, 2013).
Redistribution des cartes : une occasion de progression
Cependant, contrairement à une vision purement négative des fusions, certains chercheurs soulignent qu’elles peuvent aussi offrir des opportunités de progression. Lorsque certains managers réticents à la fusion décident de partir, il s’ouvre un espace pour la montée en puissance des cadres intermédiaires et des responsables de terrain (Merton, 1968).
Tout se passe bien pour ceux qui voient leur travail et leur pouvoir s’enrichir. La fusion peut être perçue comme une occasion d'évolution rapide pour les talents restants, notamment pour les cadres intermédiaires, qui, grâce à leur expérience et leur potentiel, bénéficient d’opportunités de promotions intéressantes. En outre, l'augmentation du nombre de postes au sein de la nouvelle entité peut ouvrir des perspectives pour ceux qui ont su s'adapter et se montrer performants, (Blau et al, 2011).
Cette "redistribution des cartes", loin de se limiter à une simple réduction des effectifs, peut aussi permettre à des talents sous-exploités de se révéler. Les nouvelles responsabilités confiées à certains cadres intermédiaires peuvent créer des dynamiques positives, contribuant ainsi à maintenir l'adhésion des équipes et à renforcer la cohésion interne (Adler et al, 2011).
Conclusion : L’humain au cœur du changement
Les fusions et acquisitions, bien qu’elles soient des leviers puissants pour la croissance et la compétitivité, nécessitent une gestion attentive de la dimension humaine. La clé du succès réside dans la capacité des dirigeants à instaurer une relation de confiance avec leurs équipes, à garantir une équité dans la répartition des bénéfices et à percevoir les changements comme des opportunités plutôt que comme une menace. En veillant à l’équilibre entre efficience économique et cohésion sociale, une entreprise peut non seulement surmonter les turbulences d’une fusion, mais aussi en sortir renforcée, plus unie et plus performante.
Alexandre MAHY, psychologue du travail, Argo's consulting.
Sources :
Aslanoff, A., & Olivero, B. (2013). La perception de la performance des fusions et acquisitions dans le secteur bancaire [Doctorat en sciences de gestion, Université de Nice Sophia-Antipolis : institut des entreprises]. https://theses.hal.science/tel-00839611/document
Blau, P. M., & al., E. (2011). La redistribution des cartes : Mobilité sociale et évolution des structures de pouvoir dans les fusions. Revue sociologique de l’organisation, 42(1), 15-34.
Adler, P., Heckscher, C., & Prusak, L. (2011). Building collaborative Enterprise. Harvard Buisness Reveiw, 89(7‑8), 94‑101. https://doi.org/PMID: 21800474.
Merton, R. K. (1968). Social Theory and Social Structure. New York: Free Press.
Müller, J.et Djuatio, E. (2011).Les relations entre la justice organisationnelle, l'employabilité, la satisfaction et l'engagement organisationnel des salariés.Revue de gestion des ressources humaines,N° 82(4), 46-62.https://doi.org/10.3917/grhu.082.0046.
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