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"Leadership : l’IA ne remplace pas, mais la peur du changement oui.

  • amahy82
  • 14 juil.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 20 juil.

De la mythologie à l’entreprise : quand la peur du changement sabote l’avenir


Ouranos, dans la pénombre, face à Cronos enfant avant de le dévorer, illustre symboliquement les tensions liées au leadership. Cette scène mythologique évoque les peurs profondes qui peuvent nourrir des dynamiques toxiques, conduisant à des burnouts et impactant le bien-être au travail.
Ouranos, le titan du "ciel", regarde une dernière fois son fils Cronos avant de le dévorer.
"Toi aussi, tu seras détrôné par ton propre fils."

Cette phrase, tirée de la mythologie grecque, est prononcée par Ouranos à son fils Cronos. Une sentence tragique qui résonne encore aujourd’hui dans le monde professionnel, tant elle symbolise une peur universelle : celle de perdre le pouvoir, de céder sa place, ou d’être dépassé.



Un mythe ancien, des réflexes bien contemporains


Dans le récit, Cronos — pour éviter d’être détrôné — dévore ses enfants à leur naissance. Une réaction extrême, mais révélatrice d’un mécanisme encore bien présent dans nos organisations : face à l’inconnu, on bloque, on élimine ou on absorbe ce qui pourrait nous remettre en question.


« Le plus grand obstacle à la solution d’un problème, c’est l’idée préconçue que nous en avons. »Paul Watzlawick

Ouranos incarne la figure du leader rigide, de la structure verticale qui peine à se réinventer. Cette posture existe encore dans de nombreuses entreprises : refus du changement, crispation autour du pouvoir, contrôle excessif, voire rejet des initiatives nouvelles portées par la jeune génération ou par des profils atypiques.


Quand le changement fait peur, le conflit émerge


Cronos, dans ce récit, ce n’est pas juste un Titan grincheux : c’est parfois une innovation technologique (coucou l’IA), un collègue charismatique qui brille un peu trop, un nouveau manager fraîchement débarqué après une fusion-acquisition, ou encore une culture d’entreprise en mutation qui bouscule les habitudes (et les open spaces).


Face à ces "intrus", certaines directions sortent l’arsenal de l’hyper-contrôle : réunions à rallonge, décisions verrouillées, tableaux Excel comme boucliers. Résultat ? On entre dans des dynamiques de conflit, de sabotage interne, voire dans une forme de management toxique où même les plantes vertes finissent en arrêt maladie.


Et au bout du tunnel ? Le bon vieux burnout. Mais attention : ce n’est pas qu’une question de charge de travail. L’épuisement professionnel peut aussi venir d’un manque de sens, d’un climat relationnel qui s’effiloche, ou d’une impression de tourner en rond dans une structure qui résiste farouchement à toute évolution — un peu comme un Titan qui refuserait de passer le relais… sauf qu’ici, personne ne dévore ses enfants (normalement).


Détruire pour ne pas être détrôné : un piège archaïque


« Avaler pour ne pas être mangé » : voilà le mécanisme psychique à l’œuvre. C’est une forme de régression défensive, une tentative d’auto-apaisement face à la peur. Comme dans la compulsion alimentaire, il ne s’agit pas de stratégie, mais de réflexe émotionnel.


« Ce n’est pas le traumatisme qui fait souffrir, c’est l’absence de sens que l’on peut lui donner. »Boris Cyrulnik

Cette peur peut mener à freiner une idée brillante, étouffer un talent ou saboter une transformation. Et paradoxalement, c’est ainsi que l’on finit par provoquer ce que l’on voulait éviter : la perte de légitimité, l’isolement, ou une rupture organisationnelle.



Leadership, bien-être et agilité : repenser nos réflexes


Ce mythe ancien nous pousse à nous interroger : de quoi avons-nous réellement peur ? Réagissons-nous à une menace réelle, ou à notre propre projection de la menace ?


« Ce ne sont pas les événements qui nous perturbent, mais l’idée que nous nous en faisons. »Albert Ellis

Dans un environnement professionnel complexe et en constante évolution, il peut être utile pour développer son leadership de s’interroger sur son rapport à l’incertitude et au changement. Accueillir l’inconfort, faire appel à l’intelligence collective ou expérimenter de nouvelles approches managériales sont autant de pistes qui peuvent favoriser l’adaptation et la résilience.


Les démarches telles que le team building, la promotion du bien-être au travail ou les transformations agiles ne relèvent pas uniquement de la boîte à outils RH. Elles peuvent aussi être envisagées comme des leviers pour accompagner des tensions moins visibles — parfois liées à des peurs ou résistances profondes. Ne pas les reconnaître ou les explorer peut, à terme, fragiliser la dynamique collective et contribuer à des formes d’usure, comme l'épuisement professionnel.


Cronos en entreprise : quand le leadership devient autodestructeur


À travers ce mythe, nous retrouvons des situations bien connues :


  • Des collègues qui refusent de communiquer par peur de perdre leur statut

  • Une entreprise qui saborde une innovation pour préserver l’existant,

  • Un comité de direction crispé lors d’une fusion-acquisition, préférant écraser que co-construire,

  • Un climat interne devenu toxique par peur du changement.


Ces réflexes, bien qu’humains, sont coûteux. À court terme, ils peuvent préserver une forme de stabilité. Mais à long terme, ils affaiblissent la dynamique de croissance, de transmission, et d’évolution.


👉 Dans un prochain article, nous verrons comment Nokia, géant des télécoms, a été victime de son propre « complexe de Cronos » : la peur de se réinventer l’a conduit à neutraliser ses forces internes… jusqu’à son effondrement.


📚 Références


  • Hésiode, Théogonie (vers -700), notamment les vers consacrés à la naissance des dieux, l’eunuque Cronos, et la prophétie d’Ouranos.

  • Jean-Pierre Vernant, Mythe et pensée chez les Grecs (1965), pour l’analyse symbolique des figures mythologiques comme représentations des structures sociales et psychiques.

  • Paul Watzlawick, Changer la réalité. Une autre logique (1988), pour son travail sur les systèmes de croyance et la perception du changement.

  • Albert Ellis, Reason and Emotion in Psychotherapy (1962) et autres écrits, fondateur de la thérapie rationnelle-émotive (RET), sur l’impact de nos croyances sur nos émotions.

  • Boris Cyrulnik, Un merveilleux malheur (1999), pour sa réflexion sur la résilience et le sens donné aux événements traumatiques.


💬 Et vous, avez-vous déjà croisé un Cronos dans votre organisation ? Ou en vous-même ?Discutons-en.

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